Parrainage

C'était il y a un peu plus de cinq ans. Un jour important pour toutes nos têtes blondes, car c'était le jour de la rentrée des classes. Choup entrait au CP...

Ce jour là, dans notre village, un homme et une femme que je connaissais de vue arrivaient chacun avec un enfant - typé Indien d'Amérique -, qu'ils enlaçaient, câlinaient, rassuraient en leur murmurant des mots en espagnol.

Plus tard, lors de la réunion des parents, alors qu'un papa interrogeait la maîtresse sur le petit garçon qui ne parlait pas français, la maman présente nous a raconté brièvement leur histoire. Son mari et elle sont allés chercher ces enfants en Bolivie et les ont adoptés.

Eddy, l'aîné, est vite devenu le meilleur ami de Choup.

Très à l'aise, il aimait beaucoup se faire inviter à la maison. C'est chez nous qu'il a goûté ses premières moules-frites !

Choup a été la première à aller vers lui, ce qui expliquerait cette amitié qui les lie, m'avait raconté sa maman. Une amitié sincère, avec quelques chamailleries, comme des frères et soeur. D'ailleurs, Eddy appelle fréquemment Choup "Petite soeur".

Comme souvent, c'est au travers des enfants qu'ensuite une amitié se crée entre les parents. Alors, petit à petit, nous avons fait connaissance.

Et nous avons été très honorés d'être invités au parrainage civil de Eddy et son petit frère, la semaine dernière.

Pourquoi un parrainage ? La démarche est intéressante... Françoise, la maman, nous l'a évoqué à l'issue de la cérémonie.

D'abord, les parents voulaient faire une fête pour l'adoption des enfants, puis, avec le temps, ils ne l'avaient jamais fait.

Puis, les enfants ont ressenti le besoin d'avoir des parrains-marraines comme "parents de secours" au cas où leurs parents disparaîtraient. Histoire, peut-être, de ne pas se retrouver dans une situation précaire, comme avant leur adoption...

Puis cette réflexion a évolué. C'est bien aussi d'avoir quelqu'un chez qui aller si on se fâche avec ses parents.

Puis, encore, pour l'avenir. Avoir des Parrains et Marraines, c'est avoir quelqu'un chez qui revenir, à qui rendre visite une fois qu'on est adulte et qu'on a quitté la maison...

Eddy et son frère ont choisi eux-mêmes leurs parrains et marraines. Pour Eddy, le choix de sa marraine s'est porté sur la maman d'un de ses meilleurs copains chez qui il va souvent squatter...

La cérémonie a été très gaie, très intense.

On sentait que c'était important pour ces deux petits. Quelque part, ils revivaient leur adoption, le choix qu'ils ont fait en signant pour suivre ces nouveaux parents français.

Quand l'adjoint au maire a demandé à Eddy, en ce qu'allait changer pour lui ce parrainage, il s'est écrié : "Maintenant, j'ai 3 maisons !"

La cérémonie passée, nous sommes tous allés faire la fête, ou plutôt communier avec cette grande famille, tous ces amis choisis, où les liens du coeur sont plus importants que les liens du sang.

Ces enfants sont bien tombés. Non seulement ils ont trouvé des parents qui les aiment, les écoutent, veillent sans cesse à leur épanouissement, mais en plus ils sont entourés d'artistes.

La soirée s'est résumée en un concert privé de qualité. Avec le Papa, musicien professionnel, avec ses complices... Musique-humour, musique-country, musique frissons, et des histoires contées par le parrain...

Nous sommes rentrés chez nous, l'âme remplie d'étoiles.

Et, une fois couchés, Choup a poursuivi ce rêve en regardant les flocons de neige tomber sur sa fenêtre de toit.

Le spectacle est terminé, le rideau est tombé, recouvrant la campagne d'un beau tapis blanc de silence...